Depuis 2009, l’article 14 de la nouvelle Constitution bolivienne interdit explicitement toute forme de discrimination, y compris celle fondée sur l’orientation sexuelle. L’inclusion de cette disposition a été le résultat de débats significatifs au sein de l’Assemblée constituante et dans la société bolivienne.
1. Réforme constitutionnelle de 2009
La Constitution bolivienne de 2009 représente une étape marquante dans l’histoire politique et sociale de la Bolivie. Adoptée le 7 février 2009, cette nouvelle Constitution est le fruit d’un long processus de réforme constitutionnelle initié par le président Evo Morales, premier président indigène du pays, et son parti, le Mouvement vers le socialisme (MAS).
La réforme constitutionnelle était un élément central de la campagne d’Evo Morales lors de son élection en 2005. Le but était de refonder l’État bolivien, en tenant compte des aspirations des divers groupes ethniques et sociaux du pays. Une Assemblée constituante a été élue en 2006 pour rédiger la nouvelle Constitution. Cette Assemblée, composée majoritairement de représentants du MAS, devait élaborer une Constitution qui répondrait aux demandes d’inclusion sociale, de reconnaissance des droits des peuples autochtones, et de justice sociale.
2. Adoption de l’Article 14, interdisant la discrimination homophobe et transphobe
- Débats au sein de l’Assemblée constituante
Les discussions sur l’article 14 ont reflété les tensions entre les différentes visions de la société bolivienne. Les représentants des mouvements sociaux et des droits de l’homme, soutenus par des organisations locales et internationales de défense des droits LGBTQ+, ont plaidé pour une interdiction explicite de la discrimination basée sur l’orientation sexuelle. Leur argument principal était que la Constitution devait garantir les droits de tous les citoyens, indépendamment de leur orientation sexuelle, pour construire une société véritablement égalitaire.
En revanche, certains représentants plus conservateurs et influencés par des perspectives religieuses ont initialement résisté à cette inclusion, arguant que cela allait à l’encontre des valeurs traditionnelles boliviennes. Toutefois, grâce à une mobilisation et à des campagnes de sensibilisation, ainsi qu’à l’appui du MAS et de Morales, un consensus a finalement été trouvé pour inclure cette interdiction dans l’article 14 II, qui dispose que :
« L’État interdit et sanctionne toute forme de discrimination fondée sur le sexe, la couleur, l’âge, l’orientation sexuelle, l’identité de genre, l’origine, la culture, la nationalité, la citoyenneté, la langue, la croyance religieuse, l’idéologie, l’affiliation ou la philosophie politique, l’état civil, la condition économique ou sociale, le type de profession, le niveau d’éducation, le handicap, la grossesse, ainsi que toute autre discrimination qui tente ou a pour conséquence d’annuler ou de nuire à la reconnaissance, la jouissance ou l’exercice égal des droits de toutes les personnes. »
- Réactions dans la société bolivienne
La société bolivienne a réagi de manière variée à l’inclusion de l’orientation sexuelle dans l’article 14. Les militants des droits LGBTQ+ et les organisations progressistes ont salué cette avancée comme une victoire historique et un pas vers l’égalité et la non-discrimination. Ils ont vu cela comme une reconnaissance officielle et un moyen de protection contre la violence et la discrimination dont les personnes LGBTQ+ étaient régulièrement victimes.
Cependant, certains secteurs de la société bolivienne, notamment des groupes religieux et conservateurs, ont exprimé leur désapprobation. Ils ont critiqué cette disposition comme étant une imposition de valeurs étrangères et une menace pour les valeurs traditionnelles de la famille bolivienne.
3. Adoption finale et impacts de la nouvelle constitution
Malgré les oppositions, la nouvelle Constitution a été approuvée par référendum le 25 janvier 2009, avec 61,43% des voix en faveur. L’article 14, avec ses dispositions anti-discrimination, est devenu un symbole de l’engagement de la Bolivie envers l’inclusion sociale et la reconnaissance des droits de tous les citoyens.
Depuis son adoption, l’article 14 a servi de base juridique pour lutter contre la discrimination et promouvoir les droits des personnes LGBTQ+ en Bolivie. Néanmoins, la mise en œuvre de ces droits reste un défi, avec des avancées significatives mais aussi des résistances persistantes dans certaines parties de la société bolivienne.