Assala MDAWKHI

Coordinatrice de projets pour Avocats Sans Frontières (Tunisie)
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Dépénalisation de l’homosexualité devant les tribunaux nationaux : exemple de la Tunisie

Français

Bonsoir à tous !

J’espère qu’Etienne a réussi à faire la traduction parce que je vais parler en anglais. Je m’appelle Assala Mdawkhy. Je travaille avec ASF, « Avocats Sans Frontières », Belgique et la mission de la Tunisie. En venant ici avec mon collègue Insaf Bouhafs dans le taxi, nous avons entendu que deux femmes avaient été tuées ici en France par leurs ex-maris qui sont également français, ce qui m’a fait m’inquiéter de la situation des femmes ici, sans parler de la situation des personnes LGBTQI+, en particulier les réfugiés. Je voudrais également exprimer ma solidarité avec les migrants subsahariens, ceux qui ont des papiers et ceux qui n’en ont pas, parce que les humains sont légaux et c’est pour cela que nous sommes ici.

J’aimerais souligner un petit point avant d’entamer ma présentation, concernant ce qui se passe actuellement en Tunisie avec les vagues de racisme. Je voudrais souligner que le racisme qui se manifeste actuellement par des campagnes de haine contre les Noirs en Tunisie, qu’ils soient tunisiens ou migrants, n’est pas seulement lié au racisme intériorisé hérité du colonialisme, mais qu’il est également dû à de nombreux facteurs. L’un d’entre eux est la pression politique et économique à laquelle la Tunisie est confrontée et soumise de la part de l’Union européenne pour devenir le gardien de l’immigration en provenance d’Europe. 

Je réitère donc ma solidarité avec mes camarades et mes amis en Tunisie.

Donc l’expérience de la Tunisie est très unique en ce qui concerne la décriminalisation de l’homosexualité. En Tunisie, nous avons actuellement des lois qui criminalisent directement l’homosexualité, mais le mouvement queer en Tunisie, ainsi que les organisations de la société civile, déploient de nombreux efforts pour changer ce qui se passe et pour modifier cet héritage colonial.

Je vais donc explorer avec vous, brièvement pour ne pas prendre trop de temps, le contexte juridique et politique autour de ces problématiques. J’explorerai ensuite le contentieux stratégique, qui est une tactique que nous utilisons actuellement pour décriminaliser l’homosexualité et les identités LGBTQI+, et je donnerai également un exemple de cas stratégique qui a dépassé la Tunisie, le cas de Kairouan.

En ce qui concerne le contexte politique et juridique, comme vous le savez peut-être tous, le code pénal tunisien a été rédigé par les Français pendant la période coloniale, notamment l’article 230 et le reste des autres articles relatifs à l’homosexualité. Ainsi, l’article 230 est presque une copie des anciennes dispositions pénales françaises, et concerne la sodomie : cette dernière est punie de trois mois à trois ans de prison. Toutefois, lorsque l’article français a été traduit, l’article est devenu soudainement inclusif, et y ont été ajoutées les relations entre femmes lesbiennes. C’est la première fois que les femmes, les femmes homosexuelles sont reconnues dans une loi tunisienne, malheureusement de manière criminelle. L’article 230 est donc l’article qui criminalise directement l’homosexualité. Il dit, dans la version arabe, que le lesbianisme et l’homosexualité entre deux adultes consentants sont criminalisés par la loi de trois mois à trois ans, et ne parle pas de l’orientation sexuelle, mais plutôt des pratiques sexuelles entre les lesbiennes et les hommes gays.

Il existe toutefois d’autres articles tels que l’article 226 bis. Comme vous le savez peut-être, cet article qui parle de l’indécence et de l’immoralité affichées existe dans la plupart des pays. Cet article est généralement utilisé contre les personnes transgenres. Il est également utilisé contre les personnes non binaires pour condamner ou pénaliser leur expression de genre non binaire. Ainsi, si un homme porte une perruque, il s’agit d’un outrage aux bonnes mœurs en Tunisie.

Le fameux article 125 dont vous avez parlé concerne l’agression d’un fonctionnaire ou d’un agent de police. Puisque la plupart de nos pays sont basés sur un régime de police et d’oppression, si un agent de police n’aime pas une personne homosexuelle, il utilisera cet article contre elle. Il dira « il m’a agressé », et sa parole sera une preuve suffisante.

Il y a aussi un article très hypocrite, le 231, qui parle des femmes se prostituant. Prostitution est le terme légal, mais nous préférons le mot travail du sexe. Il parle donc des travailleurs du sexe dans les rues et il mentionne délibérément les travailleuses du sexe. Ainsi, dans cette loi, la plupart du temps, ce sont des femmes cisgenres qui sont condamnées sur la base de cet article. Cependant, en Tunisie, la police a commencé à considérer que les femmes transgenres étaient des femmes, aux fins de les punir. Je reviendrai plus tard sur cet article, notamment sur le fait qu’il est entaché de vices de procédure, mais en l’état, la police continue d’arrêter des femmes trans, de les torturer, de leur raser la tête, de les mettre dans des prisons pour hommes, et ce même si elles peuvent par la suite être libérées en raison de vices de procédure, puisqu’elles sont légalement considérées comme des hommes.

Il existe également une autre pratique très connue dont vous avez déjà parlé, à savoir le test anal. En Tunisie, les tests anaux sont très utilisés contre les femmes transgenres et les hommes gays, et les médecins législateurs – experts médico-légaux – les utilisent pour prouver l’homosexualité. En fait, cela ne prouve rien puisque ce n’est pas une méthode scientifique. Nous avons des organes de différentes tailles dans notre corps, je peux avoir une oreille plus grande que celle d’Insaf par exemple, quelqu’un, et quelqu’une peut de la même façon avoir un anus plus grand que celui d’une autre personne. Pourtant, ces tests anaux sont considérés comme une preuve, et suffisent à envoyer des personnes en prison. J’aimerais ajouter que la Tunisie, au cours de l’examen périodique universel de 2017, a accepté d’abroger l’utilisation des tests anaux dans un délai de quatre ans. Pourtant, nous documentons à la présente encore de nombreux cas où les gens sont soumis à ces tests. Et ces personnes sont condamnées pour homosexualité, quel que soit le résultat du test. Par ailleurs, la personne ne peut pas véritablement refuser de se soumettre à ce test. En effet, si elle refuse d’être soumise à ce type de torture et de pratique inhumaine, cela sera utilisé contre elle comme preuve. Si vous refusez d’être soumis à un test anal, vous allez donc en prison.

Je ne parle pas seulement de la queerphobie sociale qui sévit dans notre pays, mais aussi de la discrimination et la queerphobie que l’on trouve dans nos institutions. Ce n’est pas seulement la loi qui criminalise les individus LGBTQI+, les institutions sont également très homophobes. Ainsi, comme vous l’avez déjà mentionné, certaines institutions ne sont pas accessibles aux personnes LGBT. Ainsi, une femme transgenre qui souhaite bénéficier d’une assistance médicale se voit refuser l’accès aux soins de santé dès lors que ses documents légaux ne confirment pas son expression de genre. De même, si vous souhaitez poursuivre vos études et que vous avez une expression de genre non binaire, vous serez victime de brimades et même exclu de l’école parce que vous ne vous conformez pas aux normes. Il y a aussi cette violence symbolique, qui de ce que j’ai compris est similaire en France, à savoir que les homosexuels se voient refuser le droit de faire leur service militaire parce qu’ils ne sont pas assez virils pour protéger le pays. Ainsi, l’État, dès lors qu’il suspecte que vous soyez gay, vous refusera votre service militaire. Par la suite, une fois qu’il l’aura « prouvé » grâce au test anal, il vous mettra en prison. Ils reconnaissent donc votre présence dans certaines.

L’accès à l’emploi et à la richesse est également faible pour les personnes LGBT, en particulier celles qui abandonnent l’école et ne continuent pas à travailler. 

La plupart du temps, ces personnes finissent victimes de trafic d’êtres humains ou obtiennent un travail très vulnérable dans des secteurs très vulnérables. Les personnes LGBT n’ont donc pas accès aux richesses comme les autres citoyens hétérosexuels cisgenres, et nous avons eu de nombreux cas où des femmes transgenres se sont vu refuser l’héritage de leur famille parce qu’elles étaient transgenres. Enfin, dans la représentation médiatique queerphobe, les personnes LGBT sont toujours considérées comme un sujet de moquerie ou utilisées pour influencer l’opinion publique faisant en sorte que la population se concentre sur le sujet particulier qu’est l’intimidation des personnes LGBT dès lors qu’il y a un débat au Parlement ou qu’une loi doit être adoptée. Les personnes LGBT servent donc très souvent de distraction médiatique.

Parlons maintenant de l’expérience d’ASF – Avocats Sans Frontières – et de ses partenaires en Tunisie, qui tentent de dépénaliser l’homosexualité, ou de la décriminaliser. Comme nous n’avons pas encore de Cour Constitutionnelle, de nombreux travaux ont été reportés et, à l’heure actuelle, nous essayons surtout de garder les gens hors de prison, tout en essayant de faire du plaidoyer pour changer les lois. Nous essayons donc de renforcer l’accès à la justice pour éviter que les gens n’aillent en prison, afin que nous puissions également parvenir à changer la loi. Ce que nous faisons en premier lieu, et dont je suis très fière, c’est que nous renforçons les capacités des avocats et que nous créons un grand réseau d’avocats dans toute la Tunisie. Nous avions aupararavant très peu d’avocats qui nous soutenaient et maintenant nous avons un très grand nombre d’avocats qui sont prêts à défendre les personnes LGBT devant les tribunaux, et qui sont également fiers de le faire.

Ce que nous faisons aussi, c’est développer des programmes d’échange avec des avocats d’autres régions, et je serais très heureuse d’en savoir plus sur ce que vous faites ici, sur l’expérience de mes confrères, et aussi de faire un échange.

Les avocats travaillent également à l’élaboration d’un modèle stratégique de plaidoirie permettent d’obtenir des relaxes systématiques. Grâce à ces travaux, nous avons gagné dans de nombreuses affaires sur la base de l’article 230.

Il y a également de nombreuses formations sur les spécificités des personnes LGBT, au cours desquelles les avocats se familiarisent avec ce qui se passe avec les personnes LGBT, pourquoi ces elles sont visées, et d’autres questions telles que pourquoi pour les cheveux d’une femme transgenre sont très importants et ne doivent pas être rasés, et comment un avocat peut, grâce à des techniques de plaidoyer en prison, faire en sorte qu’ils ne le soient pas. C’est donc un travail très multidisciplinaire que nous effectuons avec les avocats.

Il y a aussi quelque chose que nous essayons de faire dans le cadre de notre tentative de dépénalisation de l’homosexualité, c’est de nous concentrer sur les vices de procédure, même s’il est vrai que les vices de procédure ne visent pas toujours le code pénal lui-même, mais plutôt les procédures du code pénal. 

En effet, la police étant très homophobe, et les juges également, très conservateurs, ils commettent de nombreux crimes et violations à l’encontre des personnes LGBT, en particulier pendant la détention, au moment de l’arrestation. La plupart du temps, ils refusent aux personnes LGBT l’accès à un avocat, ils leur refusent l’accès à un appel téléphonique, ils les torturent et les agressent physiquement, n’obtiennent pas de mandat ni d’autorisation pour fouiller dans leur téléphone ou leurs affaires privées, etc. Grâce à son avocat, la personne LGBT peut être libérée presque immédiatement puisque ses droits ont été violés lors de son arrestation ou de sa détention.

Partant, ce que nous essayons de faire, c’est que ces affaires soient portées devant la cour d’appel, et plus tard devant la cour de cassation en ciblant l’article lui-même, de sorte que nous ne visons pas seulement la manière de faire sortir la personne de prison et la violation qui s’est produite, mais plutôt la raison pour laquelle cette violation s’est produite pour cet individu, la raison pour laquelle cet article est utilisé contre cet individu. En effet, la plupart du temps, la police n’arrête pas les personnes en flagrant délit de relation homosexuelle, mais se base plutôt sur des photos découvertes illégalement sur leurs téléphones, ou simplement sur leur expression de genre.

Nous essayons dès lors de souligner la façon dont cette loi essaie de criminaliser ces identités et comment ces officiers de police sont queerphobes, et ne font pas leur travail – en traitant différemment les personnes LGBT des autres citoyens. Nous avons donc créé un réseau d’avocats, comme je l’ai dit, dans les différentes régions de Tunisie, qui sont mobilisés par l’intermédiaire de la Hotline en cas d’urgence.

Nous fournissons aussi une assistance juridique : nous étudions les risques et les opportunités dans chaque cas, la meilleure façon d’aider la personne sans la blesser, ce qui est une priorité pour nous. Aussi, lorsqu’il y a identification d’une affaire stratégique, nous créons un comité de défense. Nous nous réunissons régulièrement avec ce comité de défense et explorons le dossier littéralement mot après mot et essayons de trouver les lacunes et les violations des droits commises.

Par la suite, nous préparons les arguments ensemble et nous faisons un très gros travail de mobilisation avec certaines organisations de la société civile, certains mouvements sociaux et d’autres alliés. Nous lançons des conférences de presse pour appeler les gens à nous soutenir. Nous organisons même des sit-in devant les tribunaux, des caravanes de solidarité. Nous nous déplaçons dans différentes régions pour soutenir la victime, afin qu’elle sache qu’elle n’est pas seule, et pour attirer l’attention sur le fait que les droits des LGBTQI plus ne sont pas un crime, que nous n’avons pas honte de défendre les gens, et que ce crime ne devrait pas être un tabou dans les tribunaux. Et avec toute cette mobilisation, nous procédons ensuite à l’évaluation de ce que nous avons fait. Nous étudions l’impact, les risques, les opportunités et les succès, et sur cette base, nous explorons les étapes futures qui peuvent même conduire à des litiges internationaux.

Il y a quelque chose que je voudrais également souligner, qui peut sembler très simple mais qui est très important, ce sont les Moot Courts. Pour beaucoup, les Moot Courts ne semblent pas avoir beaucoup d’impact, mais dans les universités de droit, de telles initiatives peuvent aider les étudiants à devenir de futurs juristes conscients des droits des personnes LGBT. C’est quelque chose qui a un impact à long terme mais qui est très important, et plus tard vous verrez avec mon camarade Elias, à propos des avocats au Cameroun, qu’il n’y a pas beaucoup d’avocats qui défendent les personnes LGBT et qu’il y a beaucoup de travail à faire pour créer un réseau d’avocats conséquent.

Le dernier impact de nos initiatives de contentieux stratégiques est que ces dernières créent une force, un pouvoir qui pousse les individus LGBT à réclamer leurs droits. Autrefois, les gens allaient en prison, sortaient, puis vous demandaient de ne pas en parler, voulant en quelque sorte recommencer leur vie en secret. Mais aujourd’hui, de nombreuses personnes sont assez confiantes pour revendiquer leurs droits et déposer des plaintes contre le gouvernement, contre la torture et contre les violations de leurs droits commises par la police.

Plus globalement, ces initiatives ont permis l’émergence d’un groupe de soutien très important : des avocats, des organisations dans le cadre d’un mouvement qui n’accepte pas la torture mais et les violations des droits de l’homme. Cela contribue à la réduction ou, disons, à la prévention de la torture.

Enfin, je donnerai un petit exemple d’un cas très stratégique sur lequel nous avons travaillé, à savoir le cas stratégique de la ville de Kairouan. Kairouan est une ville considérée comme la capitale islamique de la Tunisie. Le contentieux lié à Kairouan a commencé en 2016 et est encore en cours devant les tribunaux aujourd’hui. Nous allons explorer les faits liés à cette affaire dans une vidéo et j’expliquerai par la suite notre action. 

[En arabe tunisien]

L’État condamne le défendeur à un confinement perpétuel. Je vis confiné depuis plus de 6 à 7 ans. Lorsque le confinement lié au COVID a été déclaré, je n’ai pas été particulièrement affecté car j’étais déjà dans un état de confinement intérieur. Il m’a été imposé. En décembre 2015, alors que je rentrais chez moi à pied, j’ai trouvé un véhicule de police qui attendait devant chez moi. Je me suis rapidement approché, et un policier m’a demandé si je connaissais ces personnes. « Oui, ce sont mes amis, nous vivons ensemble », j’ai répondu. « Montez dans la voiture avec eux », a-t-il alors dit. À l’origine, il a dit qu’il s’agissait d’une affaire de terrorisme. Il semblait normal : il me posait des questions et je répondais. Lorsqu’il a ouvert l’ordinateur portable et vu les vidéos pornographiques, le contenu de la déposition de la police a changé du tout au tout. La façon dont j’ai été interrogé a également changé radicalement. Il n’attendait plus de réponse et écrivait tout seul. Il m’a demandé de signer la déclaration. J’ai demandé à la lire, mais il a saisi mon doigt et l’a appuyé dessus. L’acte d’accusation était « pratique de l’homosexualité passive et propagation du vice et de la débauche dans la capitale de la culture islamique ». Je n’ai pas été pris sur le fait. Et c’est là que la torture a vraiment commencé. Dans une cellule, on ne sait jamais d’où viendra le prochain coup. Le lendemain, nous avons tous été conduits à l’hôpital dans un fourgon de police. On nous a fait entrer de force dans le cabinet du médecin. On m’a fait monter sur la table, où deux policiers ont baissé mon pantalon et ma culotte. Un autre tenait mes mains menottées. Le médecin a alors inséré son doigt à plusieurs reprises, imperturbable, comme si j’étais un rat de laboratoire. Nous avons été condamnés à trois ans de prison et à cinq ans d’expulsion du gouvernorat de Kairouan. La justice n’est pas équitable. Lorsque nous sommes retournés à la prison, notre condamnation semblait donner aux autres détenus, au directeur de la prison et aux gardiens le droit de nous faire n’importe quoi. Lors du réveillon, un détenu a dit au directeur : « Vous avez 6 danseuses à votre disposition, faites-les danser pour nous divertir ». Une audience d’appel a été programmée. Nous avons été condamnés à la peine de prison que nous avions déjà purgée. Je me suis pourvu en cassation. J’ai déposé une plainte pour torture. En 5 ans, rien n’a été fait. L’article 230 vous exclut de la vie. Vous allez en prison sans savoir pourquoi. Vous êtes présenté au médecin sans savoir pourquoi. Quand vous êtes enfin libre, vos études sont gâchées, votre avenir est perdu. Vous essayez de vous démarquer par votre éthique, vos études, vos valeurs. Et pourtant, la société continue de vous rejeter. Les autres ne voient en toi qu’un « sodomite », un « pédé », comme si j’allais les pénétrer de force. Je ne suis pas malade. J’espère qu’un jour je pourrai marcher dans la rue sans craindre pour mon intégrité. J’espère qu’un jour je pourrai porter plainte à la police contre quelqu’un qui m’a battu et que justice sera faite. J’espère revivre un jour.

Voici le témoignage de Daniel, la seule des victimes à être restée en Tunisie, les cinq autres personnes qui l’accompagnaient dans cette affaire ont quitté le pays à cause de ce qui leur est arrivé. Alors, pour ne pas être trop longue, je voudrais juste souligner que cette affaire particulière a été jugée très courageusement par la cour d’appel de Kairouan sur la base de notre réquisitoire, et bien que le procureur ait soumis une demande de cassation, nous sommes toujours très heureux du verdict et nous allons travailler sur le précédent jurisprudentiel et si cela nous prend plus de temps, nous pouvons également aller à la Cour Africaine.

Merci.

English

Good evening !

I hope Etienne managed to do the translation because I am gonna be speaking  in English. I am Assala Mdawkhy. I work with ASF, « Avocats Sans Frontières », Belgique et la mission de la Tunisie. When coming here with my colleague Insaf Bouhafs in the taxi, we heard that there were two women killed here in France by their ex-husbands who are also French, which made me worry about the situation of women here, let alone the situation of the lgbtqi plus individuals, especially the refugees, so I would also like to express my solidarity with the sub-saharian migrants, the documented ones and the undocumented ones, because humans are legal and that is why we are here.

So I would like to highlight maybe a small point before getting into my presentation about what is actually happening right now in Tunisia from the waves of racism. I would like to highlight that the racism actually happening right now with the hate campaigns against black people in Tunisia, whether tunisians or migrants, is not only related to the inherited racism or the internalized racism inherited by colonialism, but it is also due to many factors.

One of them is the the political and economical pressure that Tunisia is facing and is subject to from the European union to become the gatekeeper of migration from Europe.

 

So again, all my solidarity with my comrades and my friends in Tunisia.

So since everybody is legal, the experience in Tunisia is very unique regarding the decriminalization of homosexuality. It is true that in Tunisia right now we have laws that criminalize homosexuality directly, but there are many efforts done by the queer movement in Tunisia, as well as the Civil Society organizations, to change what is happening and to change this colonial Heritage.

So I will explore with you, briefly so that it does not take too much time,I will explore with you the legal and political context. I will later explore the Strategic litigation, which is a tactic that we are using right now to decriminalize homosexuality, and the lgbtqi plus identities, and I will also give an example of a strategic case that went beyond Tunisia universally, the case of Kairouan.

 

So regarding the political and legal context, as you might all know, the penal code in Tunisia was written by the French during the colonialism, and so is article 230 and the rest of the other articles. So, the article says, it’s almost the same version as what you used to have here in France, it talks about sodomy.

And sodomy is criminalized from three months up to three years of prison, and when translated, the article became inclusive suddenly and included lesbians. So it’s the first time women, queer women were recognized in a law, but like recognized in a criminal way. So, article 230 is the article that criminalizes homosexuality directly. It says, in the Arabic version, that lesbianism and homosexuality between two consenting adults are criminalized by the law from three months up to three years, but it does not talk about the sexual orientation, but rather talks about this actual practice between lesbians and gay men.

 

There are other articles such as article 226 bis. This article, as you may know, in most of the countries there is always this article that talks about displayed indecency and immorality. So generally, this article is used against the transgender people. It’s also used against the non-binary people to condemn or to to penalize their non-binary gender expression. So if a man wears a wig, that’s indecency in Tunisia. The famous article 125 which you talked about, which is assaulting a public officer or a police officer, and since most of our countries are based on the regime of police and oppression, if a police officer does not like a queer person, they will use this article against them. They will say « he assaulted me », and the only proof is what is he is saying.

 

There also is a very high hypocrite article, which is 231, and this article actually talks about females in the law, so it talks about prostitution, which is the legal word, but we prefer the word sex work. So it talks about sex works in the streets and it deliberately says female sex workers. So in this law most of the time cisgender women are the ones convicted based on this article. However in Tunisia, somehow the police started to assume that trans women are women, again assuming that they are women to criminalize them.I will explore more about this article later, notably that it falls for procedural defects, but still they arrest people, they torture them, they shave their heads, they put trans women in prison for men so that later they go out and say it’s procedural defects because  they are legally considered as men.

 

There is also another very famous practice that you already also talked about which is the anal test. Anal tests in fact in Tunisia are very much used against trans women and gay men; and as a practice used by the legislative doctors-medico-legal experts- to prove homosexuality. It actually does not prove anything since it is unscientific, and if we have different organs in our bodies, I might have an ear bigger than Insaf’s ear for example someone, someone can have an anus bigger than another one’s anus. And these anal tests are considered as a proof to put people in prison. Maybe I would like to speak a little bit about anal tests, and how Tunisia, during the universal periodic review of 2017, agreed to repeal the use of anal tests within four years, and up until now we are still documenting many cases where people are subject to anal tests. And in these cases, either our people later

get convicted for homosexuality no matter how the test goes, and if the person also

refuses to be subject to this type of torture and inhumane practice, it will be used against them as a proof so if you refuse to be subjected to an anal test go to prison

 

Not only speaking about these social queerphobia happening in our country, let me talk about the institutional discrimination and queerphobia that we find in our institutions. It is not only the law that criminalizes lgbtqi plus individuals, the institutions also are very homophobic. So, as you already also mentioned, certain institutions are not accessible to LGBT individuals. So if a trans woman who wants to have a medical assistance, once they know your legal documents doesn’t confirm your gender expression, you are denied from your access to health. Once also you want to pursue your education and you have a non-binary gender expression, you will be subject to bullying and also to be put out of school because you don’t conform the norms. Also, there is this symbolic violence that I figured out is the same here in France, which is that gay men are denied from the right to to spend that one year of military duty because they are not men enough to protect the country. So the country, suddenly, if they know that you are gay, they will deny you from your military duty and they will not put you in prison, but later, once they « find out » through the anal test, they will put you in prison. So they recognize your presence in certain practices but they criminalize you, and later, whenever they talk about you, they deny that you even exist in the country. There is also a weak access to jobs and wealth for LGBT individuals, especially the ones who drop out of school and do not continue working. Most of the times, they are subject to human trafficking and to very vulnerable work in very vulnerable work sectors. So LGBT individuals do not have equal access to wealth like the other uh cisgender heterosexual citizens, and we have had many different cases in which trans women were denied to have inheritance from their families because they are trans, and let alone the queerphobic media representation in which LGBT individuals are all the time considered as either a subject of mockery or to used to influence the public opinion and let the people be focusing on the particular topic that is bullying LGBT individuals while there is an argument in the parliament or while there is a law that needs to be passed, so it is a distraction, whenever they put an LGBT individual in the medias.

 

So right now talking about the experience of ASF -Avocats Sans Frontières- along with its Partners in Tunisia in trying to depenalize homosexuality, or decriminalize homosexuality. Since we do not yet have a constitutional court, there were many works that have been postponed, and right now we are trying to keep people out of prison in in the middle of all of this, while also trying to do advocacy to change the laws. So we are trying to reinforce the access to justice to keep people out of prison, so that we can manage also to change the law. What we’re doing first, which is something I’m very proud of, is that we do so much capacity building to lawyers, and we create a greater network of lawyers all along Tunisia. we used to have very few lawyers who were allies to us, and now we have a very big pool of lawyers who are ready to defend LGBT people in front of Courts, and who are also proud to do that. So what we’re doing is like we develop exchange programs with lawyers from other regions, and I will be very happy to know more about what you do here, the experience of my comrades here, and also to do an exchange. The lawyers are also working on developing a plaidoirie type strategic model on how to litigate strategically in front of the courts, and also to get a dismissal, and we won in many many cases and we got dismissal based on article 230. There are also many trainings when it comes to the specificities of the LGBT individuals in which lawyers become familiar with what happens with the LGBT individuals, and why these individuals, why for a trans woman her hair is very important, so that it doesn’t get shaved and how the lawyer would work and how the lawyer would do advocacy in prison so that they do not shave her hair. So it is a very like multi-disciplinary work that we do with lawyers. There is also something that we we are trying to do in the in the midway of trying to depenalize homosexuality, which is focusing on the procedural defects. So it is true that the procedural defects sometimes does not target the panel code itself but rather target the procedures in the penal code. Since the police is very homophobic, and the judges as well, very conservative, they fall into committing many crimes and violations against LGBT individuals, especially during detention, during arrest time. So most of the times they deny LGBT individuals to have their access to a lawyer, they deny them to have an access to a phone call, they also torture and physically aggress individuals, they also do not have like any order to see their phone or to go through their private stuff, and all of these things. Through the lawyer later, the person can go out of prison immediately because they violated their rights during arrest or detention. Based on that what we are trying to do is that these Affairs we take them to the court of appeal, and later to the court of cassation and we target the article itself so we do not only target how to get the person out of a prison and the violation happening but rather we target why this violation happened to that individual, why this article is used against that individual, because most of the times they do not catch you with the person in a homosexual, as they call it, practice  but rather thy see a photo on your phone or they don’t like your gender expression, so we try to highlight how this law is trying to criminalize these identities and how these police officers are queerphobic, and they are not doing they are not doing their job equally with other citizens. So the steps in this is that what we did is to create a pool of lawyers, as I said in the different regions of Tunisia who are mobilized through Hotline in cases of emergency. There is also the legal assistance that we provide : we study the risks and the opportunities in every case, how we can assist this person without harming them, thatis a priority for us. There is also, once there is an identification of a strategic affair, we do like to create a defense committee. We will gather with this defense committee regularly and explore the case wor by word, llike literally word by word, and we try to find the gaps and the violations in this case. Later, we prepare the arguments together and we do a very big work of mobilization with certain society organizations, with social movements and with allies as well, and we launch press conferences to call for people to support. We do even like sit-ins in front of the courts, we do caravans for for solidarity, we move to different regions to do this, to support that person so that the person knows that they are not alone, and also to draw attention that lgbtqi plus rights isn’t a crime and that we are not ashamed to defend people, and that this crime should not be a taboo in courts. And with all this mobilization, later we do the evaluation of what we did. So we study the impact, the risks, the opportunities and the successes, and based on that we explore the future steps which can lead even to international litigation. There is something that I also would like to highlight, which might look like very simple but is very important, which is the Moot Courts. Moot Courts, for many, looks like something that does not have much impact, but Moot Courts in Universities of Law can help the students become future lawyers aware of the rights  of LGBT individuals. It is something that has a long term impact but is very important, and later you will see with my comrade Elias about lawyers in in Cameroon, saying that there are not much lawyers defending LGBT individuals and there is so much work that needs to be done to gain this pool of lawyers. The last part in strategic litigation for us and its impact is that this strategic litigation that we are trying to do actually created a force, or a power that pushes LGBT individuals to claim their rights back. So, before people used to go to jail, go out, and then ask you not to speak about it, wanting to like restart their lives again secretly. But now, many people are very empowered to claim their rights back and to file complaints against the government and against torture and against police violation. This created also a very big support group : of lawyers, of organizations, and also created a movement that does not say yes to torture but says no to human rights violation. And this also helps in the reduction or let’s say we aspire that it helps in the prevention of torture. And finally I will give a small example of a very strategic case that we worked on which is the Strategic case of the six of Kairouan. Kairouan is a city in Tunisia which is considered as the Islamic capital of Tunisia. The affair of Kairouan started in 2016 and dates and until now. We will explore the story in a video and later what we did.

 

[in arabic]

 

The state sentences the defendant to perpetual lockdown. I have been living in lockdown for more than 6 to 7 years. When the COVID lockdown came, I was not particularly affected since I was already in a state of inner lockdown. It was imposed on me. In december 2015, while walking back home, I found a police vehicle waiting in front of my place. I quickly came closer, and a police officer asked me if I knew these people. « Yes, these are my friends, we live together », I answered « Get in the car with them », he then said Originally, he said it was about a terrorism case. He seemed normal : he was asking questions and I was answering. When he opened the laptop and saw the porn videos, the police statement completely changed. The way I was being questioned also became radically different. He was not waiting for any answer and was writing on his own. He asked me to sign the statement. I asked to read it, but he grabbed my finger and forced my fingertip on it. The accusation act was « practice of passive homosexuality and propagation of vice and debauchery in the capital of islamic culture ». I was not caught in the act. And that is when the torture really started. In the cell, you never know where the next blow will come from. The next day, we were all brought to the hospital in a police van. We then were forced inside the doctor’s office. I was made to stand on the table, where two police officers pulled down my trousers and pants. Another one was holding my cuffed hands. The doctor then inserted his finger numerous times, with cold blood, as if I were a lab rat. We were sentenced to three years in prison and five years of expulsion from the Kairouan governorate. Justice is not fair. When we returned to the prison, our sentence seemed to give the other inmates and the prison warden and guards rhe right to do anything to us. During New Years Eve, an inmate told the warden « You have 6 dancers at your disposal, have them dancing to entertain us ». An appel hearing was scheduled. We were sentenced to the prison term we had already served. I appealed for cassation. I filed a complaint for torture. In 5 years, nothing has been done. Article 230 excludes you from life. You go to prison without knowing why. You are presented to the doctor without knowing why. When you are finally free, your studies are wasted, your future is lost. You try to stand out through your ethics, your studies, your values. And still, society continues to reject you. The other only see a « sodomite » in you, a »faggot », as if I was going to force myself on them. I am not sick. I hope that one day I will be able to walk in the streets without fearing for my integrity. I hope one day to be able to lodge a complaint with the police against someone who has beaten me up and that justice will be done. I hope to live again someday.

 

This was the testimony of Daniel, the one remaining in Tunisia because the rest of the five people with him in the case left the country and they are living now outside of Tunisia because of what happened to them so, so that I don’t take  so much time I just like want to highlight this particular case right now got a very very courageous judgment from the court of appeal of Kairouan based on our cassation, and although the public persecutor submitted a request for cassation, we are still very

happy with the verdict and we are gonna work on the precedent jurisprudence and if it takes us more we can go also to the African Court.

 

Thank you.