Jean-Luc ROMERO

Adjoint à la Maire de Paris en charge des droits humains, de l'intégration et de la lutte contre les discriminations (France)
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Bonjour à toutes et à tous.

Madame la Ministre, chère Isabelle, Monsieur le ministre cher Clément, Monsieur le député, cher Pierre, Monsieur l’Ambassadeur cher Jean-Marc. Il y a beaucoup de gens à citer aujourd’hui, bravo à Étienne et Terence de vous avoir tous réunis. Madame la Présidente de la 7e commission, chère Geneviève, et notre chère maman à tous, chère Alice, merci d’être là.

Je crois que tu connais bien maintenant cette maison pour y être venue à de nombreuses reprises, notamment dans le cadre du prix LGBT pour Paris tous les 17 mai. Donc, merci d’être une nouvelle fois à nos côtés pour ce travail que tu mènes avec beaucoup de courage, et j’y reviendrai dans quelques secondes, avec celles et ceux qui sont aujourd’hui venus pour cette conférence.

Au nom de la maire de Paris, Anne Hidalgo, je suis très heureux de vous accueillir nombreuses et nombreux ce soir dans cet Hôtel de Ville qui est notre maison commune. Je vous rappelle que cette ville se veut inclusive, la ville de la liberté, la ville de l’égalité, la ville de l’amour, dit-on souvent. C’est bien d’avoir des choses positives de temps en temps, et donc lorsque Étienne et Terence nous ont sollicités, évidemment nous n’avons pas hésité à vous accueillir, c’était un grand plaisir. Nous connaissons le travail que tu mènes cher Etienne avec cette nouvelle association que vous venez de créer, et je crois que c’est important, c’est évidemment le sujet de cette réunion, mais il serait temps que les choses avancent dans ce domaine. Je voudrais aussi saluer vraiment particulièrement Terrence aussi, qui fait souvent avec beaucoup de discrétion, loin des caméras et loin des projecteurs, un travail tout à fait remarquable sur le terrain, et je voulais t’en féliciter. Je voudrais exprimer notre émotion, car dans quelques minutes nous allons avoir la chance d’entendre Robert Badinter, ce sage que nous aimons tous, qui aura consacré toute sa vie à la défense des libertés, je dirais même de toutes les libertés, comme vous venez de le rappeler, madame la ministre. Et ce sera pour nous, évidemment, un moment important. D’autant que c’est en partie, il n’est évidemment pas le seul, mais grâce à lui que notre pays a quitté cette terrible liste des pays qui pénalisaient encore l’homosexualité.

Quand on voit, quand certains aujourd’hui, et je les comprends, se disent que cela n’arrivera jamais chez nous, il a fallu quand même attendre 1982, donc cela peut paraître proche pour les plus jeunes, mais en même temps, cela n’est pas si loin que ça. Je vous rappelle quand même qu’en 1960 dans notre pays, les députés classaient l’homosexualité parmi les fléaux sociaux, au même titre que la tuberculose. En 68, on l’a classée parmi les maladies mentales. Donc vous voyez qu’au final, et bien il aura fallu certes 50, 40, 50 ans, mais à force de travail, et je crois qu’on le doit aux militantes et militants qui dans les années 60, 70 ont accompli ce travail remarquable face à une opinion évidemment méprisante, on ne peut que les remercier.

Malheureusement, la France n’est pas la seule dans ce monde, et n’est pas la seule, heureusement, à avoir dépénalisé. Mais il reste aujourd’hui, et on va beaucoup en parler, 68 pays qui criminalisent l’homosexualité, même certains qui condamnent à mort, c’est-à-dire pratiquement 11 pays. Cela signifie que vous êtes condamné à mort non pas parce que vous avez fait quelque chose de mal, mais parce que vous êtes ce que vous êtes, et que vous n’avez d’ailleurs pas choisi. Et c’est vrai qu’on a vu ces dernières années, bon, des pays comme la Russie, évidemment le Ghana, le Sénégal, et je vous salue, merci d’être là et du travail que vous faites au Sénégal. Le Cameroun, évidemment vous êtes plusieurs ici à le représenter, et bien sûr chère Alice, et on sait à quel point le travail que vous menez dans des conditions extrêmement difficiles, voire dans une certaine hystérie. Et même, on évoquait tout à l’heure l’Union européenne, et oui la Pologne, la Hongrie, des pays qui sont dans l’Union européenne, monsieur le député européen. Dans des, comment dire, des pays qui sont censés partager nos valeurs d’inclusion. Et pourtant en Pologne, oui, on a créé ces fameuses zones interdites aux personnes LGBT, on a dit que c’était vraiment une idéologie, il faudra qu’on nous explique un jour, chère Isabelle, ce que ça veut dire, car on n’a toujours pas compris.

Et oui, dans un certain nombre de pays, on continue à lyncher, à torturer des personnes parce qu’elles sont homosexuelles, parce qu’elles sont lesbiennes, parce qu’elles sont trans. Alors si nous sommes réunis pour nous questionner, débattre de l’état de la pénalisation de l’homosexualité dans le monde, il faut, je crois, je le disais au début, mais vraiment insister sur le courage des militantes et des militants dans ces pays-là. Et on en a un certain nombre qui sont venus aujourd’hui, dont certains parlent à visage découvert, et on risque que c’est de parler à visage découvert dans un certain nombre de pays, et on ne peut qu’évidemment vous remercier d’être là.

Nous, nous avons en tout cas l’obligation d’être à vos côtés. La France, et je laisserai enfin la ministre l’a dit mais l’ambassadeur des droits LGBT le redire tout à l’heure, est évidemment à vos côtés, mais nous avons bien des ennemis à combattre. Quand on voit le nombre de pays qui aujourd’hui ont, je pense, même on ne l’a pas évoqué, mais l’Égypte aussi qui est un des pays coupables de nombreux crimes non seulement contre tous les défenseurs du droit humain, mais particulièrement pour les personnes LGBT.

En tout cas, sachez, vous qui êtes venus de ces pays, que la France, c’est la France des Lumières. Paris, c’est la ville où ont été signés les traités des droits humains. Vous êtes chez vous ici, et nous sommes à vos côtés. Alors c’est facile pour nous parce qu’on est ici, c’est vrai, mais en tout cas sachez qu’on est là, et sachez que peut-être, de vous soutenir, le fait que maintenant nous ayons en plus un ambassadeur identifié donne, je l’espère, en tout cas nous ce que nous souhaitons aussi à Paris, un message au monde entier.

Et je vous dis ne vous désespérez pas, je vous disais nous il y a 50 ans c’était inscrit au social, il y a 40 ans on pénalisait encore l’homosexualité, il y avait même des fichiers d’homosexuels. J’ai même été moi, j’ai vu ma fiche qui existait. On avait des descentes dans les boîtes LGBT, et vous savez qu’en 81, Deferre, qui était le ministre de l’Intérieur, avait fait une première circulaire pour interdire ces descentes de police, elles ont continué pendant plusieurs années. Et même un ministre de l’Intérieur a dû se battre pendant des années et faire plusieurs circulaires pour que l’on arrête, pour que ces habitudes qui avaient été prises d’aller maltraiter les homosexuels dans les boîtes de nuit, dans les lieux de rencontre s’arrêtent. Donc vous voyez que nous n’avons pas forcément le droit de donner des leçons, que cela a donné aux autres, et que dans notre pays nous avons réussi, peut-être aussi que, malheureusement, la pandémie de sida a fait que ces militantes et militants qui se sont mobilisés, parce que les pouvoirs publics étaient absents rappelons-nous, que jusqu’à 1987 ni le président Mitterrand en France, ni le président Reagan aux États-Unis n’avaient dit le mot sida, et que c’étaient les associations qui ont dû se mobiliser, il a fallu attendre 97 pour que le sida soit déclaré grande cause nationale, et qu’on permette simplement des campagnes pour les préservatifs, qui étaient d’ailleurs interdits jusqu’en 87. Et c’est pour ça, si je me permets de dire ça, c’est vraiment pour essayer peut-être de vous faire comprendre que dans cette situation extrêmement difficile que vous vivez, dites-vous que nous avons connu aussi des situations difficiles, et que nous avons réussi grâce à des militantes qui, comme vous, se sont levées dans notre pays, nous avons réussi à arriver aujourd’hui évidemment à la situation que nous connaissons en France, où l’égalité est une réalité.

Alors peut-être quelques mots pour terminer, pour ne pas être trop long sur ce que nous essayons de faire à Paris.

D’abord, et on l’a vu, le problème aujourd’hui c’est le nombre de réfugiés LGBT qui arrivent dans nos pays. Et ça, nous en avons pris conscience, et en deux ans nous avons créé quasiment 50 places d’accueil, qui sont d’ailleurs toutes occupées aujourd’hui, et je remercie l’association Basiliade, qui est à nos côtés. Dans les mois qui viennent, nous allons recréer une vingtaine de places pour pouvoir répondre, avec l’idée d’arriver à la fin de ce mandat à 100 places exclusivement pour les réfugiés LGBT. Et je peux vous dire, pour être allé aux inaugurations et pour rencontrer régulièrement les personnes qui vivent là, quand elles vous racontent leurs histoires, leur parcours de migration aussi pour arriver jusqu’ici, vous vous dites heureusement quand même que nous, la France, Paris, nous sommes capables, enfin, de recevoir ces réfugiés.

Et comme nous tenons particulièrement, et que je crois que c’est important, qu’on ait, parce que les demandes sont aujourd’hui, malheureusement, la situation des droits humains elle est celle qu’elle est dans le monde, et on ne peut pas dire qu’en ce moment elle soit la meilleure. Et bien nous avons décidé d’ouvrir un centre qui va ouvrir le 17 mai, très symboliquement, le jour évidemment de la Journée mondiale contre l’homophobie et la transphobie, mais aussi le jour anniversaire de la publication du Mariage pour Tous dans le Journal officiel. Nous allons ouvrir 22 rue Malher un centre d’accueil pour les personnes réfugiées et pour les personnes trans, et nous avons voulu leur donner un lieu qui soit certainement l’un des plus beaux lieux, au centre de Paris, qui soit évidemment le plus pratique pour y venir, et je crois que c’était important parce qu’on sent bien qu’ils ont besoin plus que jamais d’être soutenus, et je remercie les associations qui vont porter le collectif qui va porter ce lieu de la ville, et notamment bien sûr l’ARDIS, et d’autres associations.

Alors, dans ce, comment dire, domaine, il faudra évidemment que Paris célèbre comme il se doit le mariage pour tous, cet anniversaire, parce que malheureusement, on a souvent beaucoup de mauvaises nouvelles. Là, autant se réjouir des bonnes nouvelles, et notamment du fait que dans notre pays, on ait obtenu l’égalité des droits, et que l’amour homosexuel soit désormais autant reconnu par la République que l’amour hétérosexuel. Et je pense que ça c’était une et c’est une belle victoire, et c’est pour ça que pendant deux jours, les 16 et 17 mai, Paris va se mobiliser.

Paris va être aux couleurs de l’arc-en-ciel, notamment pour un congrès international, parce que ça va être l’occasion de pouvoir discuter d’abord avec ceux qui ont avancé plus vite que nous. Intéressant de voir pourquoi dans tel endroit ça a avancé plus vite. Et puis ceux chez qui ça n’avance pas, voilà, je ne vous fais pas, je n’ai pas besoin de vous le dire, mais quand même avec des pays qui avancent. Par exemple, là, Taïwan, qui est le premier pays à avoir eu le mariage homosexuel. Nous aurons une ministre du Chili qui va venir, une ministre lesbienne du Chili qui s’assume parfaitement et ce qui est quand même extrêmement intéressant. Donc, je vous invite tous autour du 17 mai, qui sera autour de ce colloque. Il y aura aussi le prix international de Paris. Et puis surtout, ce sera l’occasion de faire la fête, puisqu’on organisera un grand bal populaire à Paris pour fêter ces 10 ans du Mariage pour Tous.

Voilà, j’en termine, merci encore Étienne, Terrence, et toutes vos équipes pour le travail que vous menez. Merci de soutenir celles et ceux d’entre nous qui, dans les pays du Sud, dans les pays de l’Est et ailleurs, n’ont pas la chance de pouvoir vivre leur vie comme nous pouvons la vivre ici. Et puis bon colloque à tous et à toutes, et puis merci encore à notre maman Alice d’être une nouvelle fois chez nous ici à Paris.

 

[Applaudissements]