Affaire Atala Riffo et filles v. Chili, 24 février 2012 : dans cette arrêt la Cour inter-américaine avait a traité d’un jugement rendu par la Cour suprême du Chili qui a privée une mère de famille de la garde de ses enfants qu’elle était désormais en couple avec une femme. La Cour se prononce pour la première fois sur l’aspect discriminatoire d’une norme envers une personne homosexuelle. Elle étudie plusieurs aspects dont le principe de non-discrimination et le droit à la vie privée.
1. Le principe de non-discrimination
- Exposé du principe de non-discrimination
« 79. En ce qui concerne le principe d’égalité devant la loi et de non-discrimination, la Cour a déclaré que « la notion d’égalité découle directement de l’unicité de la famille humaine et est liée à la dignité essentielle de l’individu. Ce principe ne peut se concilier avec l’idée qu’un groupe donné a droit à un traitement privilégié en raison de sa supériorité apparente. » – page 42
« 80. […] la Cour a mentionné que « les Etats doivent s’abstenir de mener toute action qui, de quelque manière que ce soit, directement ou indirectement, vise à créer des situations de discrimination de jure ou de facto ».86 Les Etats sont tenus « de prendre des mesures positives pour renverser ou modifier les situations discriminatoires qui existent dans leur société au détriment d’un groupe spécifique de personnes. » – page 43
- Non-discrimination en raison de l’orientation sexuelle
« 83. La Cour a établi, tout comme la Cour européenne des droits de l’homme, que les traités relatifs aux droits de l’homme sont des instruments vivants, dont l’interprétation doit aller de pair avec l’évolution des temps et des conditions de vie actuelles » – page 45
« 84. […] lors de l’interprétation des termes « toute autre condition sociale » de l’article 1(1)de la Convention, il est toujours nécessaire de choisir l’alternative la plus favorable à la protection des droits consacrés par ledit traité, en se basant sur le principe de la règle la plus favorable à l’être humain. » – page 45
« 91. Compte tenu des obligations générales de respecter et de garantir les droits établies à l’article 1(1)de la Convention américaine, des critères d’interprétation établis à l’article 29 de cette Convention, des dispositions de la Convention de Vienne sur le droit des traités et des normes établies par la Cour européenne et les mécanismes des Nations Unies (supra paragraphes 83-90), la Cour interaméricaine établit que l’orientation sexuelle et l’identité de genre des personnes est une catégorie protégée par la Convention. » – page 53
« 92. S’agissant de l’argument de l’État selon lequel, à la date à laquelle la Cour suprême a rendu son arrêt, il existait une absence de consensus concernant l’orientation sexuelle en tant que catégorie interdite de discrimination, la Cour rappelle que l’absence alléguée de consensus dans certains pays concernant le plein respect des droits des minorités sexuelles ne saurait être considérée comme un argument valable pour nier ou restreindre leurs droits fondamentaux ou pour perpétuer et reproduire la discrimination historique et structurelle dont ces minorités ont souffert » – page 53
- Portée de ce droit à la non-discrimination en raison de l’orientation sexuelle.
« 133. La Cour interaméricaine estime nécessaire de souligner que la portée du droit à la non-discrimination en raison de l’orientation sexuelle ne se limite pas au fait d’être homosexuel en soi, mais inclut son expression et les conséquences qui en découlent dans le projet de vie d’une personne. » – page 76
« 136. À cet égard, l’orientation sexuelle d’une personne est également liée à la notion de liberté et au droit de la personne à l’autodétermination et à choisir librement les options et les circonstances qui donnent un sens à son existence , conformément à ses propres choix et convictions. Par conséquent, » la vie affective avec le conjoint ou le partenaire permanent, qui comprend évidemment les relations sexuelles, est l’un des principaux aspects de ce domaine ou cercle d’intimité » » – page 78
2. Droit à la vie privée.
« 162. […] La vie privée est un concept ample qui ne fait pas l’objet de définitions exhaustives et qui comprend, entre autres domaines protégés, la vie sexuelle et le droit d’établir et de développer des relations avec d’autres êtres humains. Ainsi, la vie privée comprend la façon dont l’individu se perçoit lui-même et dans quelle mesure et comment il décide de projeter cette perception sur les autres. » – page 89
« 164. […] le droit à la vie privée n’est pas un droit absolu et que, par conséquent, il peut être limité par les États à condition que les intrusions ne soient ni abusives ni arbitraires. Pour cette raison, celles-ci doivent être encadrées par la loi, poursuivre un but légitime et respecter les exigences d’adéquation, de nécessité et de proportionnalité, c’est-à-dire qu’elles doivent être nécessaires dans une société démocratique. » – page 89
« 165. […] la Cour souligne que l’orientation sexuelle de Mme Atala fait partie de sa vie privée » – page 89
« 166. […] La Cour note que le motif invoqué par les juridictions pour s’immiscer dans la vie privée de Mme Atala est le même que celui utilisé pour justifier le traitement discriminatoire (supra paragraphe 107), à savoir l’intérêt supérieur allégué des trois filles. La Cour considère que, bien que ce principe soit lié in abstracto à un but légitime (supra paragraphe 110), la mesure était inadaptée et disproportionnée pour atteindre ce but, puisque les juridictions internes auraient dû se limiter à examiner le comportement des parents – qui pouvait faire partie de leur vie privée – mais sans exposer et scruter l’orientation sexuelle de Mme Atala. » – page 89
Ressources juridiques
Décision de la Cour en français : https://depenalisation-homosexualite.org/wp-content/uploads/2024/07/Decision-Cour-Interamericaine.pdf
Court ruling in english : https://depenalisation-homosexualite.org/wp-content/uploads/2024/07/Inter-American-Court-Decision.pdf