Persécutions liées à la pénalisation de l’homosexualité au Sénégal

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Les persécutions liées à la pénalisation de l’homosexualité au Sénégal engendre une réalité complexe marquée par des violences à l’encontre des personnes homosexuelles. Cette situation se manifeste à travers des arrestations et détentions arbitraires, des violences policières, ainsi qu’une répression sociale spécifiquement dirigée contre les personnes homosexuelles, le tout dans un contexte marqué par la prévalence des mauvais traitements et de la torture.

1. Aperçu global de l’état des persécutions liées à la pénalisation de l’homosexualité au Sénégal

Le gouvernement sénégalais affirmait en 2022 devant le Conseil des Droits de l’Homme des Nations unies:  

“Concernant les personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres et intersexuées, […] la loi n’interd[it] pas et ne pun[it] pas l’homosexualité et [il] n’exist[e], en conséquence, aucune personne détenue pour ce simple fait.”

Or, malgré les dénégations du gouvernement sénégalais, des organisations telles que Human Rights Watch ont recensé 38 cas entre 2011 et 2016 où la police a arrêté des individus en raison de leur orientation sexuelle présumée. Ces contradictions soulèvent des préoccupations quant à la transparence et à la protection des droits des personnes LGBTQ+ au Sénégal, comme l’observe Amnesty, notant que :

 « Des personnes soupçonnées d’avoir eu des relations homosexuelles consenties ont été harcelées, arrêtées arbitrairement, torturées et soumises à des procès iniques [au Sénégal]

2. Arrestations et détentions arbitraires

Bien que les arrestations et détentions arbitraires soient en principe interdites par la législation sénégalaise, des rapports provenant d’observateurs des droits humains indiquent que le gouvernement ne respecte pas systématiquement ces interdictions. Des organisations comme Human Rights Watch dénoncent ces pratiques, soulignant que les personnes homosexuelles ont de bonnes raisons de craindre la police au Sénégal.

Les méthodes d’arrestation, y compris les raids ou les « descentes de police », sont couramment utilisées et critiquées pour leur non-respect des droits fondamentaux. Des cas d’extorsion et de chantage sont également signalés, indiquant une utilisation abusive du système judiciaire pour poursuivre et intimider les personnes LGBTQ+. Selon l’Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides (OFPRA), dans sa fiche thématique consacrée à la situation des droits humains au Sénégal :

“[Il n’est] pas rare que des policiers tentent d’extorquer des sommes allant de 10 000 à 50 000 francs à la personne arrêtée.”

Du point de vue des détentions, les autorités de répression sénégalaises pratiquent régulièrement la détention dite « préventive« , en l’attente d’un jugement, et cela en dehors du cadre légal prévu pour ces situations, notamment en ne respectant pas les limitations de durée pour ces détentions, au point que certaines personnes sont parfois détenues plus longtemps dans l’attente de leur jugement qu’une fois condamnées.

Au niveau de l’incrimination, si les preuves retenues pour inculper les personnes d’homosexualité ne sont pas absentes, elles sont souvent largement insuffisantes lorsqu’elles ne sont pas obtenues à la suite de mauvais traitements ou de torture. En effet, ILGA World fait état de nombreuses incriminations de personnes sur la base d’éléments peu probants, tels que la présence de préservatifs et de lubrifiants sur les lieux d’arrestation et de perquisitions.

3. Violences policières, torture et mauvais traitements

Les personnes soupçonnées d’homosexualité au Sénégal font face à des risques accrus de mauvais traitements, y compris des violences physiques et verbales lors des arrestations.

Au niveau des arrestations, la « revictimisation » est fréquente. Celle-ci consiste en l’arrestation de personnes homosexuelles alors même qu’elles sont victimes d’agressions ou de crimes de haine. Par exemple, ILGA World relate l’arrestation en 2015 par la police sénégalaise d’un homme gay venant d’être poignardé en raison de son orientation sexuelle, ce qui lui a notamment bloqué l’accès à des soins d’urgence :

“En mai 2015, un homme a été poignardé et battu lors de ce qui semblait être une agression homophobe. Cependant, au lieu d’arrêter l’agresseur, les policiers qui sont intervenus ont arrêté la victime et lui auraient refusé l’accès à des soins médicaux.”

L’ONG internationale Human Rights Watch a donc conclu que :

« [Les personnes LGBT] ont de bonnes raisons de craindre que la police [sénégalaise] les arrête et les maltraite au lieu de les protéger ».

Les arrestations se déroulent souvent dans la violence, parfois de manière extrême, comme le relate ILGA World :

“[Lors d’une arrestation en 2015] la police aurait fait usage d’une violence extrême, d’abus et d’un langage désobligeant à l’encontre des suspects lors des arrestations, l’un des récits rapportés par Human Rights Watch faisant état d’agents criant : « Ils veulent détruire le pays. On va te tuer, sors d’ici, on va tous te tuer, espèce de fils de pute gay ». Selon des militants qui se sont entretenus avec Human Rights Watch, au moins neuf hommes ont fui le pays et d’autres se sont cachés au Sénégal à la suite de cette répression.”

Au niveau de la détention, les personnes détenues en raison de leurs pratiques homosexuelles, antérieurement ou bien en conséquence de leur condamnation, sont sujettes aux conditions de détention sénégalaises souvent décriées pour leur non-respect des droits humains (surpopulation, utilisation excessive de la force, manque d’accès aux soins…). De ce fait, les minorités sexuelles au Sénégal sont davantage susceptibles d’être soumises à ces conditions et cela du simple fait de leur existence.

De plus, elles sont davantage vulnérables à certains types de mauvais traitements en détention, telles que les sévices physiques (parfois qualifiables de torture) dans le but d’obtenir des aveux. Cela s’explique par la difficulté qu’éprouvent les autorités sénégalaises à obtenir des preuves tangibles de l’orientation sexuelle des personnes soupçonnées autrement que par leurs propres confessions. Des rapports d’organisations internationales mettent ainsi en lumière des cas de torture et de violence extrême infligées par les forces de l’ordre pour obtenir des aveux. Par exemple, ILGA World relate que :

“Le 16 octobre 2020, un groupe de 20 à 25 personnes a été arrêté dans la région de Keur Gorgui à Dakar lors d’un soi-disant « mariage gay ». 13 d’entre elles ont été relâchées, après avoir été déshabillées et torturées pour avouer leur homosexualité présumée, bien qu’elles aient refusé d’avouer.”

Au niveau de l’incrimination, les autorités sénégalaises ont parfois recours à la preuve par “test anal”, une pratique unanimement considérée comme un acte de torture par le droit international des droits humains, et dépourvu de valeur probante.

4. Intolérance sociale et violences extra-judiciaires

La pénalisation de l’homosexualité crée un climat d’hostilité sociale au Sénégal, où les personnes LGBTQ+ risquent non seulement des sanctions judiciaires mais également des violences extra-judiciaires. Human Rights Watch observe à ce propos que: 

“Les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes risquent non seulement d’être arrêtés, emprisonnés et maltraités par la police, mais également d’être violentés et agressés par la population.”

Les médias et les discours politiques contribuent à cette intolérance, avec des conséquences tragiques telles que des agressions et des meurtres de personnes LGBTQ+. Parmi eux, le meurtre d’un jeune homme le 18 février 2019, à Thiaroye, en banlieue de Dakar. Celui-ci avait été accusé d’homosexualité en raison de ses “manières” et avait été agressé physiquement par des membres de la population locale. Il n’a pas survécu à cette agression.  

5. Contexte de « chasse » aux minorités sexuelles

Certains observateurs évoquent l’existence d’une « chasse » aux minorités sexuelles au Sénégal, qui aurait débuté en 2018 et aurait été amplifiée lors des élections présidentielles de 2019, car le gouvernement instrumentaliserait la loi pénale pour adopter une répression excessivement sévère. Le but présumé de cette répression serait de gagner le soutien des électeurs et de nier toute allégation de position “pro-homosexuels« . 

6. Ressources