La répression persistante de l’homosexualité au Maroc est marquée par des arrestations massives, des inculpations arbitraires, et une vulnérabilité accrue des touristes à l’application de la loi pénale.
1. Persécutions liées à la pénalisation de l’homosexualité au Maroc : données générales
Au cours des dernières années, de nombreux rapports ont fait état d’arrestations, de poursuites et de condamnations de personnes suspectées de participer à des activités homosexuelles. Selon le Human Dignity Trust, plus de 5 000 personnes pourraient avoir été arrêtées depuis l’indépendance du pays en 1956.
En 2018, les statistiques officielles mentionnaient 170 inculpations dans l’année pour « homosexualité » , mais un expert danois estime que le chiffre réel pourrait atteindre environ 800 cas, en raison d’une sous-déclaration évidente de nombreux cas.
Les arrestations reposent souvent sur des avis de dénonciation et des signalements de tiers, et aboutissent très souvent à la détention de personnes homosexuelles.
2. Inculpations arbitraires
Le niveau de preuve dans les affaires d’homosexualité, régies par l’article 489 du Code pénal marocain, semble quasi-inexistant. L’article 286 du Code de procédure pénale permet aux juges de statuer selon leur « conviction profonde » , créant ainsi une une possibilité de répression arbitraire basée sur les lois pénalisant l’homosexualité.
3. Arrestations de touristes
La persécutions liées à la pénalisation de l’homosexualité au Maroc touche particulièrement les touristes et ressortissants étrangers, avec au moins 54 arrestations ces dernières années.
Des cas, dont celui d’un ressortissant britannique en 2014, démontrent que même les visiteurs ne sont pas épargnés, créant une dynamique particulière où des personnes étrangères peuvent être arrêtées pour des actes légaux dans leur pays d’origine:
« Le cas d’un homosexuel du Royaume-Uni qui participait à une visite guidée avec son compagnon marocain de 20 ans a été arrêté le 18 septembre 2014 par la police. Lui et son compagnon ont été jugés le 2 octobre et condamnés à quatre mois de prison pour « actes homosexuels ». Les supplications et les pressions de sa famille et du gouvernement britannique ont conduit à la libération de l’homme plus tard dans la semaine, après quoi il a été renvoyé au Royaume-Uni, bien que le sort de son amant marocain ne soit pas clair. »
4. Revictimisation (arrestations de victimes qui tentent de signaler des crimes)
La revictimisation est une réalité fréquente au Maroc. Des cas remontant à 2007 décrivent des victimes d’agressions homophobes ensuite arrêtées par la police.
« En 2007, un homme soupçonné d’être dans un mariage homosexuel a été agressé et lapidé par une foule en colère. Ayant survécu à l’épreuve, il a été arrêté par la police et emprisonné, bien qu’aucun autre détail n’ait pu être vérifié au moment de la publication. »
« Le 9 mars 2016, deux hommes de la ville de Béni Mellal ont été violemment agressés et déshabillés par une foule en colère. Les agresseurs ont été arrêtés par la police, mais les victimes aussi. Les deux hommes ont passé 26 jours en détention provisoire et, à l’issue du procès, ont été condamnés à une amende de 500 dirhams (55 dollars) et à quatre mois d’emprisonnement avec sursis, conformément à l’article 489 du Code pénal marocain. Deux journalistes qui tentaient d’enquêter sur l’attaque dans le quartier auraient également été arrêtés peu de temps après l’incident. »
Des incidents récents, dont celui de 2021 où deux hommes signalant un vol ont été inculpés pour « homosexualité et outrage à la police judiciaire » , soulignent la vulnérabilité persistante des personnes homosexuelles face à la répression au Maroc.
“Le 7 novembre 2021, il a été signalé que deux hommes de la ville de Fès ont été arrêtés « dans une affaire liée à la pratique de l’homosexualité ». L’un des hommes a signalé le vol de son téléphone portable à la police, mais après avoir été placé en détention, le suspect a déclaré à la police que les deux hommes s’étaient livrés à des actes homosexuels ensemble, leur montrant apparemment une vidéo de l’incident. Il est allégué qu’il n’y a pas eu de vol qualifié au départ et que les deux hommes se sont disputés pour de l’argent. Le voleur présumé et le plaignant initial ont tous deux étés appréhendés. Tous deux ont été inculpés respectivement d’« homosexualité et d’outrage à la police judiciaire » et d’« homosexualité et vol », et le tribunal de première instance de Fès a fixé la date initiale du procès au 27 décembre. Les médias locaux ont commencé à rapporter en décembre que l’homme dont le téléphone avait été volé était membre du parti politique RNI, qui avait été élu pour gouverner le Maroc deux mois plus tôt. Des rapports datant de juillet 2022 indiquaient qu’il avait été libéré avec 5 000 dirhams (environ 550 dollars) et huit mois plus tard, il avait été condamné à quatre mois de prison avec sursis et à une amende de 1 000 dirhams (environ 100 dollars). L’autre homme aurait été condamné à la même peine.”
“En août 2023, l’article 489 du Code pénal a été appliqué à une personne ayant été victime d’une agression sexuelle à Ouarzazate. Un jeune homme aurait été victime d’agression sexuelle pendant trois ans par un homme plus âgé alors qu’il était mineur. Lui et deux de ses amis ont finalement mis en place un plan pour enregistrer une vidéo de l’agresseur présumé avec le jeune homme, dans l’espoir de le faire chanter. La vidéo a fait l’objet d’une fuite sur les réseaux sociaux, ce qui a déclenché une enquête policière. Cela a abouti à ce qu’un tribunal inculpe toutes les personnes impliquées – l’homme plus âgé, la victime et ses amis – de « déviance sexuelle », ainsi que d’autres accusations.”
Ressources :
- Rapport de Human Rights Watch, Human Rights Watch, Audacity in Adversity. LGBT Activism in the Middle East and North Africa (2018): https://www.hrw.org/sites/default/files/report_pdf/lgbt_mena0418_web_0.pdf
- Rapport du gouvernement marocain mentionnant le nombre d’arrestations, 2018
- Rapport de l’ILGA en Français, « Nos identités en état d’arrestation »