Jean-Marc Berthon
Ambassadeur français pour les droits LGBTQ+Accueil »
Jean-Marc Berthon est Ambassadeur des droits français, engagé de longue date dans la promotion de l’égalité, de la dignité et du respect pour toutes et tous. Son parcours témoigne d’un profond attachement aux valeurs républicaines et à la défense des droits humains. À travers ses actions, il œuvre à renforcer la lutte contre les discriminations et à faire vivre concrètement les principes d’inclusion et de justice sociale, en France comme à l’international.
Jean-Marc Berthon a introduit la conférence ADUH 2025 en tant qu’Ambassadeur des droits.

English
Thank you, dear Étienne, for allowing me to open this conference.
First of all, I would like to salute your perseverance in good causes. Two years ago, you organized a conference on the decriminalisation of homosexuality. And, at your initiative, the participants signed a tribune stating that criminalisation could be considered as a crime against humanity. Robert Badinter was among the signatories and whose entry into the Pantheon was announced today. This was one of his last public appearances.
A few months ago, you started to organise today’s conference, this time devoted almost entirely to the issue of crimes against humanity. At that time, when you talked about the topic of this conference, the ICC had not yet issued arrest warrants against two Afghan leaders suspected of gender apartheid and persecution against LGBT people. This decision was taken in January, and it has given your question a topicality, but above all credibility, and even international and institutional support. Perseverance is a great quality, and one that will undoubtedly lead to great achievements.
I would like to make two comments. The first one is about the moments that we are living through. It is a paradoxical moment, an ambivalent moment. The ill winds blow very hard on LGBT questions and one could be tempted to lower the head, to keep a low profile, to wait until the end of the storm. I don’t think that’s the right attitude.
On the contrary, we must be offensive, and that is what you have decided with this conference whose question is very provocative. What if we were judging governments that persecute LGBT people, not LGBT people themselves?
You are right to be offensive. We must be. Why? Not only because the attack is the best defense, but also because the international conservative figures, as our President of the Republic says, are more fragile than we think. This movement is in the process of showing its true face, the face of territorial expansion, of trade war, of unfaithfulness to alliances, of rejection of migrants and of all international solidarity, of contempt for nature.
It is the spectacle of force against the rule of law. The image of the international conservative movement is so negative that it emphasizes, by contrast, progressive and liberal ideas. It becomes a real deterrent and we must take advantage of it to push forward our positive agenda. Now is the time to be proactive, now is the time to fight back. In Canada and Mexico, Donald Trump is giving progressives a boost.
The same effect can occur elsewhere. The same effect can occur in Europe. Let us not be afraid to defend our values, to engage ourselves in new battles.
My second comment, and I will end there, concerns the issue of justice. Justice is not at the center of my mandate as an ambassador for LGBT+ rights. My field is the political and diplomatic field, that of dialogue with States to convince them to treat LGBT+ people better. This is about international negotiations to ensure that LGBT+ people and their rights are taken into account. It is the support for civil society actors to help them do their work with the most vulnerable populations.
What the ADUH and other actors like you are doing through the judicial field is complementary. It is equally important to help those unjustly accused win strategic trials in their country with regional courts where they exist. It is equally important, as you are doing today, to think about what actions could be taken before the ICC or before national courts under the principle of universal jurisdiction.
The judicial route is complementary to the political and diplomatic route. Rights are advancing thanks to political power and also thanks to judicial power at the national, the regional and, why not tomorrow, at the global level.
I am delighted to be listening to you. I am quite proud that these thoughts, these exchanges take place in France. Proud of our academics, our lawyers. Of their ability to imagine the future.
And I’m sure that new ideas and directions will come out of your discussions. And thank you for participating.


Français
Merci, cher Étienne, de me permettre d’ouvrir cette conférence.
Tout d’abord, je voudrais saluer ta persévérance dans les bonnes causes. Il y a deux ans, tu as organisé une conférence sur la dépénalisation de l’homosexualité. Et, à ton initiative, les participants ont signé une tribune affirmant que la criminalisation pouvait être considérée comme un crime contre l’humanité. Robert Badinter figurait parmi les signataires, et son entrée au Panthéon a été annoncée aujourd’hui. C’était l’une de ses dernières apparitions publiques.
Il y a quelques mois, tu as commencé à organiser la conférence d’aujourd’hui, cette fois presque entièrement consacrée à la question des crimes contre l’humanité. À ce moment-là, lorsque tu évoquais le sujet de cette conférence, la CPI n’avait pas encore délivré de mandats d’arrêt contre deux dirigeants afghans soupçonnés d’apartheid de genre et de persécutions envers les personnes LGBT. Cette décision a été prise en janvier, et elle a donné à ta question une actualité, mais surtout une crédibilité, et même un soutien international et institutionnel. La persévérance est une grande qualité, et une qualité qui conduit sans aucun doute à de grandes réalisations.
Je voudrais faire deux remarques. La première concerne le moment que nous vivons. C’est un moment paradoxal, un moment ambivalent. Les vents mauvais soufflent très fort sur les questions LGBT, et l’on pourrait être tenté de baisser la tête, de se faire discret, d’attendre la fin de la tempête. Je ne pense pas que ce soit la bonne attitude.
Au contraire, nous devons être offensifs, et c’est ce que tu as décidé avec cette conférence dont la question est très provocatrice. Et si nous jugions les gouvernements qui persécutent les personnes LGBT, plutôt que les personnes LGBT elles-mêmes ?
Tu as raison d’être offensif. Nous devons l’être. Pourquoi ? Non seulement parce que l’attaque est la meilleure défense, mais aussi parce que les figures conservatrices internationales, comme le dit notre Président de la République, sont plus fragiles qu’on ne le pense. Ce mouvement est en train de révéler son vrai visage, celui de l’expansion territoriale, de la guerre commerciale, de l’infidélité aux alliances, du rejet des migrants et de toute solidarité internationale, du mépris de la nature.
C’est le spectacle de la force contre l’État de droit. L’image du mouvement conservateur international est si négative qu’elle met en valeur, par contraste, les idées progressistes et libérales. Elle devient un véritable repoussoir, et nous devons en profiter pour faire avancer notre agenda positif. C’est le moment d’être proactifs, c’est le moment de riposter. Au Canada et au Mexique, Donald Trump donne un coup de fouet aux progressistes.
Le même effet peut se produire ailleurs. Le même effet peut se produire en Europe. N’ayons pas peur de défendre nos valeurs, de nous engager dans de nouveaux combats.
Ma deuxième remarque, et je terminerai là-dessus, concerne la question de la justice. La justice n’est pas au cœur de mon mandat d’ambassadeur pour les droits LGBT+. Mon domaine est le champ politique et diplomatique, celui du dialogue avec les États pour les convaincre de mieux traiter les personnes LGBT+. Il s’agit de négociations internationales pour faire en sorte que les personnes LGBT+ et leurs droits soient pris en compte. C’est aussi le soutien aux acteurs de la société civile afin de les aider à accomplir leur travail auprès des populations les plus vulnérables.
Ce que l’ADUH et d’autres acteurs comme vous font à travers le champ judiciaire est complémentaire. Il est tout aussi important d’aider ceux qui sont injustement accusés à gagner des procès stratégiques dans leur pays ou devant les cours régionales lorsqu’elles existent. Il est tout aussi important, comme vous le faites aujourd’hui, de réfléchir aux actions qui pourraient être engagées devant la CPI ou devant les juridictions nationales en vertu du principe de compétence universelle.
La voie judiciaire est complémentaire de la voie politique et diplomatique. Les droits progressent grâce au pouvoir politique, mais aussi grâce au pouvoir judiciaire, au niveau national, régional, et pourquoi pas demain, au niveau mondial.
Je suis ravi de vous écouter. Je suis assez fier que ces réflexions, ces échanges aient lieu en France. Fier de nos universitaires, de nos juristes. De leur capacité à imaginer l’avenir.
Et je suis sûr que de nouvelles idées et de nouvelles orientations sortiront de vos discussions. Et merci pour votre participation.
